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Un opposant chiite exécuté en Arabie, l'Iran s'indigne

RYAD (Reuters) - L’imam chiite Nimr al Nimr, considéré comme une figure de la contestation saoudienne, et 46 autres condamnés à mort ont été exécutés samedi en Arabie saoudite, ce qui a valu à Ryad la condamnation de l’Iran et soulevé l’indignation dans la communauté chiite.

Manifestation de protestation devant l'ambassade d'Arabie saoudite à Londres après l'exécution samedi de l'imam chiite Nimr al Nimr, en Arabie saoudite. L'exécution de ce chef religieux, considéré comme une figure de la contestation saoudienne, et de 46 autres condamnés à mort, a valu à Ryad la condamnation de l'Iran et soulevé l'indignation dans la communauté chiite. /Photo prise le 2 janvier 2016/REUTERS/Neil Hall

Le chargé d’affaires saoudien à Téhéran a été convoqué au ministère iranien des Affaires étrangères, rapporte la télévision publique, et l’ayatollah Ali Khamenei, guide suprême de la Révolution iranienne, a rendu hommage au cheikh Nimr.

“Le réveil ne peut être enrayé”, dit-il sur son compte Twitter en anglais. Il publie par ailleurs sur son site internet un montage photo assimilant l’Arabie saoudite aux djihadistes de l’Etat islamique.

Les exécutions se sont déroulées dans douze prisons à travers le royaume. Dans quatre d’entre elles, les condamnés ont été fusillés et, dans les huit autres, ils ont été décapités. Les corps ont ensuite été hissés à des gibets pour être exposés en public.

Il s’agit de la plus importante série d’exécutions simultanées pour des raisons de sécurité en Arabie saoudite depuis celles, en 1980, de 63 djihadistes condamnés pour l’attaque de la grande mosquée de La Mecque, l’année précédente.

Parmi les condamnés exécutés samedi figurent 43 djihadistes sunnites, principalement des membres d’Al Qaïda jugés responsables d’attentats contre des objectifs occidentaux, des bâtiments administratifs et des missions diplomatiques qui ont fait plusieurs centaines de morts entre 2003 et 2006.

Les quatre autres, dont le cheikh Nimr al Nimr, sont de confession chiite. Ils ont été reconnus coupables de la mort de plusieurs policiers dans le district de Katif, dans la Province orientale, entre 2011 et 2013.

“EMBRASER LA RÉGION”

Le ministère iranien des Affaires étrangères a accusé Ryad de soutenir le terrorisme et de se débarrasser de ses opposants tandis que le dignitaire religieux iranien Ahmad Khatami a estimé que la famille Saoud “serait balayée des pages de l’histoire”.

Pour le Hezbollah libanais, qui dénonce un “assassinat”, le cheikh Nimr a été exécuté parce qu’il militait “pour les droits du peuple opprimé”.

Le Conseil islamique suprême du Liban, un organe chiite, parle quant à lui d’une “grave erreur”. “L’exécution du cheikh Nimr est la mise à mort de la raison, de la modération et du dialogue”, dit le cheikh Abdel Amir Kabalan, vice-président du conseil, dans un communiqué.

Le Premier ministre irakien, le chiite Haïdar al Abadi, a affirmé pour sa part sur sa page Facebook que l’exécution de Nimr al Nimr, “une violation des droits de l’homme”, aurait des répercussions sur la sécurité de la région.

Etouffer les voix discordantes et exécuter les opposants “ne peut conduire qu’à encore plus de destructions”, ajoute-t-il.

“Cette mesure prise par la famille régnante vise à embraser à nouveau la région, à provoquer des affrontements entre sunnites et chiites”, a déclaré le député irakien Mohammed al Sayhoud, membre de la coalition au pouvoir à Bagdad.

“L’exécution du cheikh Nimr est un service fait à Daech, qui parie sur les guerres interconfessionnelles pour gagner du terrain”, renchérit Houmam Hamoudi, membre de l’influent parti du Conseil islamique suprême d’Irak.

COLÈRE EN IRAK

Selon l’ancien Premier ministre irakien Nouri al Maliki, ce crime “va entraîner le renversement du régime saoudien”.

L’influent imam chiite Moktada al Sadr a quant à lui invité les chiites d’Arabie et du Golfe à se mobiliser pacifiquement contre “les injustices et le terrorisme gouvernemental”.

“J’appelle à des manifestations de colère devant les sites et les intérêts saoudiens et j’exhorte le gouvernement à renoncer à l’ouverture de l’ambassade saoudienne”, ajoute-t-il sur son site internet. La représentation saoudienne, fermée depuis 1990, a rouvert cette semaine.

Au Yémen, le mouvement houthi dit porter le deuil “d’un guerrier saint” exécuté “après une parodie de procès et en violation flagrante des droits de l’homme”.

De nombreux manifestants se sont rassemblés dans le district saoudien de Katif, région de la côte est à majorité chiite qui a été le théâtre de violentes manifestations entre 2011 et 2013.

Plusieurs dizaines de personnes ont par ailleurs défilé à Bahreïn dans un village à majorité chiite où la police a fait usage de gaz lacrymogène.

“Il y avait une énorme pression populaire sur le gouvernement pour punir ces gens”, a commenté Moustafa Alani, un expert des questions de sécurité proche du ministère de l’Intérieur. “Cela concernait des dirigeants d’Al Qaïda, tous ceux qui étaient responsables du sang versé. Cela envoie un message”, a-t-il expliqué.

Certains observateurs estiment que l’exécution des quatre chiites était un moyen pour le pouvoir de prouver qu’il ne fait pas de distinction communautaire quand il s’agit de punir les responsables de violences politiques.

Les mouvements de défense des droits de l’homme dénoncent régulièrement le fonctionnement arbitraire du système judiciaire saoudien et notamment le recours à la torture pour obtenir des aveux.

Pierre Sérisier, Jean-Philippe Lefief et Guy Kerivel pour le service français

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